Rétro : Les Dimanches de Ville D'Avray

Publié le par culturophile

Il est des oeuvres intemporelles. Mais elle sont souvent oubliées. C'est pourquoi nous inaugurons cette nouvelle rubrique Rétro pour hommage à ces oeuvres qui ont marqué leur époque (et plus encore) ou bien qui auraient mérité plus d'honneurs. Et c'est Gilles qui commence le bal avec un retour sur le film Les Dimanches de Ville d'Avray de Serge Bourguignon.

 

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Il est bon nombre de films actuels qui touchent à des sujets osés, voire tabous, et dont on se dit «Il y a cinquante ans, on aurait jamais vu ça !». Pourtant le thème abordé par Les Dimanches de Ville d’Avray a su fortement ébranler la morale de l’époque à sa sortie en 1962.

 

Le film de Serge Bourguignon raconte l’histoire de Pierre, ancien pilote de guerre en Indochine, qui de retour en France souffre de choc post-traumatique et d’amnésie partielle. Sa vie se résume à errer sans but dans Ville d’Avray, en espérant qu’un jour, la mémoire lui revienne. Cependant, l’existence fantôme de Pierre va changer le jour où il rencontre Françoise, une fillette de douze ans abandonnée par son père dans le pensionnat de la ville. Nos deux protagonistes décident alors de passer chaque dimanche ensemble. De leurs rendez-vous hebdomadaires naît une relation amoureuse atypique et intense.

 

La véritable force du film de Bourguignon, et sûrement à la différence de productions plus récentes, est la subtilité et la délicatesse avec lesquelles le sujet est traité. Jamais pendant le film, la nature de leur relation n’est définie de manière explicite et définitive, et pourtant dès le début, on sent comme une gêne, un étrange malaise, à être le témoin de leurs rencontres du dimanche.

Le film ne se montre jamais dirigiste, ni ne choisit une seule perspective, ce qui le rend très ouvert aux interprétations. Chaque spectateur pourra y voir sa propre version des faits, et son opinion au sujet de la relation de Pierre et Françoise. Le film est d’ailleurs parsemé de personnages secondaires aux points de vue divergents, parmi lesquels on aura le loisir de choisir celui qui nous semble être le plus clairvoyant.

 

Les qualités de ce long-métrage ne s’arrêtent pas là, car à la narration particulièrement habile s’ajoute des performances d’acteurs remarquables. Patricia Gozzi (Francoise) remporte haut la main le prix de la meilleure interprétation. Son naturel, proche d’un Jean-Pierre Léo dans les 400 Coups, et son énergie dégagent une électricité quasi sexuelle. Quant à Hardy Kruger (Pierre), il se montre également très convaincant en paumé marginal et instable.

Mais que serait Les Dimanches de Ville d’Avray sans sa réalisation et sa photographie totalement maîtrisées et magnifiques. Quasiment chaque scène est un exemple d’ingéniosité et de maîtrise cinématographique, qui non seulement constitue un plaisir pour les yeux, mais contribue également à renforcer l’aspect narratif à l’aide de symbolisme subtil.

 

Sans aucun doute, Les Dimanches de Ville d’Avray figure parmi les chefs d’œuvre du cinéma français. En son temps, le film a certainement pâti de son sujet dérangeant, car il ne connu jamais le succès qu’il mérite (bien qu’il obtînt tout de même un Oscar comme meilleur film étranger en 1962). Toujours est-il, qu’aujourd’hui il serait presque criminel de passer à côté de ce monument cinématographique quasi-oublié.

 

Gilles Marciniak

 

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Publié dans Cinema

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